La belle au bois dormant est un homme. [feat Naberius + Myrrh]

Le temps était précieux, le premier point de rendez-vous vite atteint puisque le Corbeau ne ressentait ni douleur, ni fatigue la survie de son roi, son ami l’obnubilant. Il ne fallait pas qu'il lâche, il devait tenir bon pour lui, pour Naberius, pour la nation. Dans le désert non loin des frontières entre Kireïde, Sollvaec et Ilmyde se trouvait un petit camp d'Algizs, des soldats, des ailés et des médecins, le brun avait prévu le coup, même s'il ne s'attendait pas à ramener son roi ainsi. Maudit sois-tu Oberon, Grayling aura tôt fait de te faire payer ton affront racaille!

L'état du Loup étant plus qu'inquiétant il prit la décision de le conduire au château dès que les premiers soins lui seraient donnés. Là-bas il aurait tout le confort et la modernité existants et pouvant lui permettre de se remettre au mieux de cette vilaine balafre. Le souverain d'Asmosa ne l'avait pas loupé, le torse du plus jeune était scindé en deux par un flot rougeoyant qui ne semblait pas vouloir s'arrêter. Il ne mourrait pas, il ne pouvait pas, pas maintenant, pas sous ses yeux, Lloyd le ramènerait à la vie lui même s'il le fallait et il ferait de lui un Algiz encore meilleur.

Il ne prit pas le temps d'attendre l'arriver des autres membres de leur groupe, en réalité il ne savait même pas si Myrrh et Meryl, ainsi que leur Aigle, les avaient suivit. Il était trop préoccupé pour leur prêter attention, il se contenta de laisser un message pour les prévenir de ses plans et surtout donner des nouvelles à la princesse. Il confia son prisonnier à un autre volatile tandis qu'il reprit son roi entre ses serres, il ne pouvait concevoir de laisser quelqu'un d'autre le conduire à Valtac.

Une fois arrivés les Algizs n'eurent pas tout de suite droit au repos, le blessé fut rapidement emmené à sa chambre pour y être soigné plus convenablement. Lloyd, pourtant épuisé, ne put se résoudre à aller se reposer, comment aurait-il put alors que l'incertitude quant à la durée de la vie son ami était plus que présente. Il resta au chevet de celui-ci, partageant la "garde" avec Myrrh lorsqu'elle fut revenue, Naberius allait s'en sortir, il le devait, les médecins semblaient confiants. Il ne manquait plus qu'une chose pour que le coeur et l'esprit du brun ne s'apaise, que se foutu Loup ouvre enfin ses yeux, qu'il sorte de son maudit coma!

▬ corbeau & loups

la belle au bois dormant est un homme.

Elle avait failli y passer, elle s'en rendait bien compte. Un pas de plus, et elle se serait fait trancher en deux par le dôme, sans espoir de survie. Tout ça à cause d'une misérable gamine, dotée d'un pouvoir bien trop puissant pour son âge. Elle le paierait, Myrrh en était certaine.

Mais avant toute chose, il fallait qu'elle s'occupe de son frère.

Blessé. La mission fortement compromise, le Roi affaibli, les Algiz s'étaient retirés. Naberius était aux mains de Lloyd, en qui la Princesse avait parfaitement confiance - il ne risquait rien de plus grave que ce qu'il avait déjà. Elle prit donc le temps de rassembler leurs troupes au camp que le Conseiller avait préparé et lorsque tout cela fut fait, elle rejoignit le Palais, courant sous sa forme de louve.

Naberius était étendu sur son lit, endormi depuis des jours déjà.

Le cœur de Myrrh était partagé entre l'inquiétude et la colère. C'était son frère, après tout. Elle n'avait pas envie qu'il meurt. Mais ce petit imbécile était allé défier tout seul le roi d'Asmosa, qui se battait avec la magie. Technique de lâche, de ceux qui ne font pas confiance à leurs corps.

La gamine et Oberon mourraient. Elle se le jura.

« Cet idiot dort depuis trop longtemps, il a un Royaume à gérer. Il ne croit quand même pas que je vais le faire moi-même ? »

La question, adressée plus à elle-même qu'à Lloyd, n'en était pas vraiment une. Elle s'approcha du lit, la mine soucieuse. Puis brutalement, sans prévenir, elle le gifla.

« Réveille-toi, incapable. »

La colère avait pris le dessus, apparemment.

« Tu vas te battre contre Oberon et tu n'es même pas capable de le vaincre. Si tu es faible, ne va pas affronter les forts. »

Les mots étaient durs, le ton froid et sec. Mais ses doigts se firent plus légers sur la joue du Roi, douce caresse qui révélait ses véritables pensées. Et quand, enfin, Naberius ouvrit les yeux, elle le serra dans ses bras, comme on s'accroche à une bouée au milieu de la mer, entouré de requins affamés : avec l'énergie du désespoir.

« J'ai cru que tu allais rester endormi pour toujours. Ne me refais plus jamais ce coup-là. »

Sa voix s'était transformée en un chuchotement presque inaudible, un murmure prononcé au creux de l'oreille, comme un secret.
Un aveu de faiblesse.

La mort, la violence, la haine. Tous ces sentiments mêlés, tel un gigantesque maëlstrom d'émotions tourbillonnants sans cesse. Que lui était-il arrivé, à ce banquet ? Quel banquet ? Naberius est là, seul dans la neige des terres d'Ilmyde, âgé de quelques pauvres années, abandonné, un bébé dans les bras. Ses parents gisent plus loin dans le froid et le sang mais l'enfant, lui, ne regarde pas en arrière, il n'a de cesse d'avancer dans les ténèbres qui lui font face. Alors que les larmes coulent à flots le long de ses joues, il ne semble pas pourtant être perturbé par ses dernières. Qui peut dire s'il s'agit de larme de peine ou de haine ? Il continue d'avancer sans s'arrêter, remarquant au bout de longues heures un large corbeau voletant au dessus de lui, comme protecteur. C'est alors seulement que ses larmes cesse de couler, toutefois, son chemin ne semble pas connaitre de fin, il continue d'avancer, ses frêles jambes d'enfants bravant maints danger pour garder une cadence raisonnable. Et soudain, le vent, un violent vent le stoppe dans sa route, lui arrache ce frêle bébé des bras. Le corbeau, lui, ne donne plus aucun signe de vie, comme si la tornade l'avait absorbé lui aussi. La bourrasque se concentre alors autour de lui et lui seul, le malmenant en tout sens, se raillant de lui, le propulsant sans pitié d'un côté à l'autre. Et alors que, dans un rire malsain, la force invisible allait le propulser dans le vide, l'enfant parvient tout de même à se raccrocher au bord du gouffre, son visage s'écrasant contre la froide paroi qui venait de se former sous ses pieds. Non, il ne se laisserait pas dépasser par les évènements, non, personne ne parviendrait à le surpasser. Il serait celui qui conduirait les Algiz à leurs gloires d'antan, il ne pouvait pas se laisser submerger par une ridicule sensation de défaite. C'est alors qu'enfin, il ouvrit les yeux et se releva brusquement sur son lit, observant les alentours. Ce n'était qu'un rêve ? Pourtant, la douleur du mur contre sa joue était réelle, elle... Il fixa la jeune fille sur ses genoux. C'était à cause d'elle, c'est ça ? C'était évident, il ne pouvait s'agir que d'elle, si Lloyd était aussi dans la pièce, elle devait avoir envie de se donner bonne figure. Sale gamine... Il la serra dans ses bras machinalement. Il n'avait pas entendu sa dernière phrase mais il savait largement ce qu'elle avait voulu lui dire.

"Tu étais inquiète ? Pensais-tu vraiment être débarrassé de moi si facilement ?"

Puis le regard du roi se porte sur ses deux compagnons présents dans la chambre, les observants à tour de rôle. Visiblement, aucun d'entre eux n'a l'air de souffrir de blessures graves, ce qui le rassura grandement. Dans un mince sourire, il observa son bras droit, l'inquiètude rongeant son visage. Qu'il était adorable, un véritable grand frère. Au final, ils formaient tous trois une famille, non ?

"Lloyd ! Que s'est-il passé ? Suis-je endormi depuis longtemps ? Phoebus est-il mort ? Et ce couronnement ?"

Il voulait des informations mais ne savait pas vraiment comment les demander, comment mettre de l'ordre dans son esprit. Il devait être évanoui depuis un peu trop longtemps...

Il ne pouvait que regarder tristement Myrrh s'énerver contre son frère, à juste titre d'ailleurs puisque lui même avait sacrément envie de lui en coller une. Pourtant il ne montra rien, comme souvent, préférant montrer son soutien à la princesse en posant doucement sa main sur son épaule. Bien sur il avait exécuté son geste avant l'excès de violence de la jeune femme.

Heureusement pour eux ce ne fut pas inutile puisque le Loup Blanc d'Ilmyde daigna enfin ouvrir les yeux! Que Grayling soit louée il semblait aller plutôt bien, étant donné les circonstances. Le Corbeau frémit de soulagement, qu'il était heureux de voir les yeux rouges de cet idiot, lui aussi avait envie d'enlacer ce triple abruti... Quoi? Non, il ne pouvait pas se laisser aller à un tel sentimentalisme... Ce qu'il arrivait à lui faire faire cet avorton, un jour il le payerait! Stoïque, voila comment il devait demeurer, si Naberius s'apercevait de sa joie causée par son réveil il n'allait surement pas le lâcher d'aussitôt. Mais allait-il vraiment bien?

Cependant pas le temps de s'inquiéter, son souverain s'adressait à lui. A ses questions il leva un sourcil désapprobateur, le naturel était revenu au galop suite aux mots de "l'albinos". En réalité il voulait lui répondre normalement mais il sentit la moutarde lui monter au nez. Le stresse accumulé qui sortait enfin?

-6 jours! Voila 6 jours que ta sœur et moi veillons sur l'enfant puéril que tu es. Comment Phoebus pourrait-il être mort puisque tu te lances dans des combats perdus d'avance sans plans mais surtout dangereux pour les tiens. Tu as failli te tuer, nous faire tuer, quel beau modèle pour tout Meinarest.

Il tourna soudainement la tête. Ce n'était pas bon, pas bon du tout, il fallait qu'il se calme avant de continuer. Pourquoi s'était-il autant inquiété pour écervelé, maintenant il n'arrivait plus à garder son masque de sérieux, trop perturbé par le truc à poil. Il jeta un regard à Myrrh l'invitant à continuer à sa place: le rapatriement, le nombre de survivants, la blessure, l'effet sur Kireïde et le reste du monde... Il ne se sentait plus en état, il devenait vraiment trop vieux pour couver un enfant aussi terrible.

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Vivant, dans ses bras, enfin. Il était (presque) sain et sauf et cela lui suffisait. Myrrh ne pouvait imaginer une vie sans lui, sans ses conseils protecteurs exaspérants, ses piques idiotes et ses idées stupides. Car oui, attaquer Oberon était sans doute le plus absurde des plans que ce couillon avait pu avoir dans toute sa vie. Même le Grand Complot ne lui avait pas paru aussi aberrant.

« Inquiète ? Quelle idée saugrenue. Je n'ai juste pas envie de devoir reprendre la charge de dirigeante d'Ilmyde alors que tu es celui qui l'a voulue. »

Elle se dégagea de l'étreinte de son frère, le visage fier et fermé, et recula de quelques pas. Impassible, comme elle avait l'habitude de le faire. Pourtant, elle savait très bien que son attitude ne trompait personne. Comment pouvait-elle espérer duper celui qui l'avait élevée ?

Elle ne pouvait tricher avec son propre sang.

Elle écouta le résumé concis de Lloyd, qui ne répondit cependant qu'aux premières questions posées, interrompu par la colère. Et Myrrh savait que l'ire d'un Corbeau n'est jamais de bon présage. Elle soupira et fixa le Roi dans les yeux, continuant le récit.

« Lloyd a raison. Ce que tu as fait était stupide. Comme si se lancer à corps perdu dans une bataille pouvait apporter la victoire ... Mais pour répondre à tes questions, la gamine blonde à côté de Phoebus a failli tous nous tuer avec sa magie. De nombreux Algiz ont littéralement été tranchés en deux à cause du dôme qu'elle a fait apparaître et le reste s'est fait avoir par les gardes. On a du se retirer le plus vite possible et Lloyd t'a porté sous sa forme de Corbeau. Remercie-le. A sa place, je t'aurais laissé là-bas pour tes bêtises. »

Ses yeux étaient aussi froids que la glace des Terres d'où ils venaient tous les deux.

« Au final, tu es blessé et Phoebus est quand même le nouveau roi de Kireïde. Tout cela n'a servi à rien, à part un peu semer la panique là-bas. On a perdu beaucoup des nôtres pour pas grand chose ... Et maintenant, Kireïde fait la gueule. Elle nous en veut. Beaucoup. Et à tous les coups, Sollvaec et Asmosa vont s'en mêler ... »

Nouveau soupir, profond.

« Je ne peux malheureusement pas mettre toute la faute sur toi, puisque nous t'avons suivi. Nous avons donné notre approbation à ce plan. Que nous avons été bêtes ...»

Elle s'assit au bord du lit puis après quelques secondes, un sourire espiègle vint étirer ses lèvres.

« Mais bon. N'empêche qu'on s'est bien amusés quand même, non ? Aaaah, j'espère que vous avez vu la tête de ces nobles terrorisés, courant de partout pour leur vie ! »

Et elle éclata de rire.

Il écoutait, le visage froid, impassible, les différentes explications de ses deux partenaires. Bien sûr, il se prenait de nombreuse remarques désobligeantes, des réflexions peu agréables sur sa conduite absurde lors de cet assaut. Mais qui aurait pu penser que ce mage était si puissant ? Quand à cette histoire de dôme magique... Naberius avait ouvert les yeux depuis peu, il n'était pas prêt à entendre tant d'informations différentes. Au rire de Myrrh, il tenta de se redresser avec difficulté et passa la main sur son torse, sur lequel il sentit une profonde entaille. Sa mémoire venait de lui rappeller la façon dont il avait été vaincu, et son corps porterait à vie cette marque indélébile, cette honte d'avoir été défait par un humain. Il effectua un petit geste de la main, comme pour demander le silence autour de lui. Ah, les habitudes de monarque.

"Ce fut donc un échec complet... Les braves Algiz nous ayant suivi étaient conscients des risques, je suis sûr qu'ils sont mort avec honneur et fier d'avoir servi leur pays. En revanche... Ce chien d'Asmosa, cette ordure ne sait pas ce qui l'attend. Dès que j'en aurais l'occasion, je l'anéantirais. Peu importe les moyens à mettre en oeuvre pour cela."

Il pris une position assise dans son lit et pris un certain temps avant de continuer son discours, la fatigue prenant le dessus. Il allait sans doute devoir garder le lit un moment encore.

"Kireïde pourrait effectivement vouloir lancer une offensive et, bien que je vois mal Asmosa être de la partie, j'avoue que j'adorerais voir ce petit roi venir à ma rencontre dans ma propre demeure, je pourrais lui apprendre le respect. Mais je pense que nous pouvons attendre encore un moment avant de réfléchir à une probable guerre, il est certain que Sollvaec va tout faire pour éviter un bain de sang inutile. D'ailleurs, aucun émissaire de ce pays n'est venu au palais pour demander la paix ?"

Il passa machinalement sa main dans les cheveux de sa soeur, sans perdre l'air glacial sur son visage. L'heure était grave, Ilmyde pouvait être en danger, il allait falloir agir vite, très vite.

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