Le marché de Manest était grand, plus qu'avant en tout cas puisque la cité était devenue la nouvelle glorieuse capitale du pays. Enfin plutôt de la nouvelle colonie de cette chère Miseriah. La répugnante créature. Il lui fera payer à cette vermine, elle qui avait détruit son pays, ses efforts, sa vie, elle ne pourrait pas s'en sortir indemne.

Mais bon il n'était pas là pour ça, bien que depuis l'attaque il ne cesse de ruminer il était sorti de sa cachette afin de refaire le plein de vivre. Bien loin d'avoir maigrit avec ses temps de troubles l'homme s’entraînait durement et pour cela il avait besoin de carburant. Ainsi le grand Lloyd, bras droit de l'ancien roi, enveloppé dans son manteau à capuchon noir, déambulait au milieu de la populace ignorante avec un sac plein.

Heureusement pour lui peu étaient les gens à connaître sa véritable identité ainsi que la fonction qu'il occupait avant. Il pouvait donc se balader relativement tranquillement dans le marché de la Place Noire où du monde s'affairait. Sa capuche n'était donc pas d'une très grande utilité mais il préférait rester discret, on ne sait jamais ce sur quoi, ou qui, on peut tomber.

Bon il ne lui restait plus grand chose à prendre avant de rentrer chez lui, dans les montagnes... Il prendrait peut être un peu de temps pour se dégourdir plus franchement les jambes en se baladant dans le coin. Plutôt une bonne idée mais par où aller... Peut être que faire un tour du côté des mines, peut être qu'il pourrait trouver des pierres intéressantes.

Un coup de vent, sa capuche tombe et le brun se stoppe. Il tourne sa tête pour regarder l'effrontée en fronçant les sourcils. L'envie de la remettre en place n'étant pas présente il profita de cette nouvelle visibilité pour regarder un peu le monde s'agiter devant lui. Alors qu'il balayait la place du regard il s'immobilisa soudainement avant de baisser la tête prestement.

Mais qu'est-ce que Taliris, héron de Sollvaec qui connaissait son identité, pouvait bien faire ici?!Mais pourquoi fallait-il qu'il soit grand?  Il devait filer d'ici en douce, rapidement alors il remit prestement sa capuche et regardant du coin de l'oeil l'Algiz qu'il ne voulait pas voir. Malheureusement celle-ci semblait le fixer, elle avait du le repérer.

-Par Grayling! Jura t-il.

Il se dépêcha de se faufiler au milieu des gens et de s'engouffrer dans une ruelle. Il tourna à droite, deux fois, puis à gauche, traversa une petite cour, prit encore à droite puis il s'arrêta, le cœur battant, dans un coin sombre d'un croisement histoire de s'assurer qu'il l'avait semé.

-On dirait que c'est bon. Souffla t-il de soulagement.

Manest... Cela semblait faire une éternité que Taliris n'avait pas mis les pieds dans la ville des Roches. La dernière fois qu'elle y était venue, c'était dans le cadre d'une mission diplomatique confiée par Anastasia, l'Héron était toujours d'une grande aide lorsqu'il s'agissait d'Imlyde, après tout pour le peuple des Algiz, elle se rapprochait de Grayling plus que n'importe qui. Mêlée à la foule présente dans la place noire, Taliris profita du marché pour faire quelques provisions.

Depuis qu'un dénommé Balam s'était proclamé nouveau dirigeant du peuple Algiz, celui-ci s'est vite retrouvé prisonnier. Bien qu'au premier regard la vie semblait avoir reprit son cour, la jeune fille pouvait ressentir la peur et la colère présentes dans les cœurs des habitants. Il était désormais devenue impossible de se rebeller. Un coup de vent vint faire sortir la demoiselle de ses pensées tandis qu'elle releva la tête, son regard croissant alors un visage familier. Qui aurait cru que le bras droit de Nabérius se cachait là, parmi la foule de Manest.

A la vue de la brune, l'Algiz remit sa capuche et chercha à s'enfuir loin du regard de l'Héron. Sans perdre une seconde, Taliris s'engouffra dans la foule, se lançant alors à sa poursuite. Elle ne devait pas le perdre, pour rien au monde. Elle courrait parmi la populace, cherchant à le suivre des yeux. Malheureusement pour elle, elle ne possédait pas d'odorat développé comme les algiz terrestres et ne pouvait donc pas se permettre de le perdre de vue.

La jeune fille trébucha sur une pierre, perdant alors le corbeau. Elle serra le poing et tourna la tête de tous côtés, il y avait du monde de partout, autant cherché une aiguille dans une botte de foin. Et pourtant, elle refusait d'abandonner et se releva avant de rejoindre une petite ruelle. Désormais, seul son instinct pouvait la guider, il ne lui restait plus qu'à prier les dieux pour le rattraper. Elle traversa la ruelle, tourna à droite, puis encore à droite et continua divers chemins jusqu'à se retrouver dans un croisement, complètement épuisée.

L'Algiz s'appuya contre un mur, reprenant son souffle, il ne pouvait pas être bien loin. Elle se redressa, cherchant l'homme du regard.

- Je sais que vous êtes là,  montrez-vous. S'il vous plaît fuir ne servira à rien. Si vous ne voulez pas me voir ni me parler c'est votre droit mais sortez de votre cachette. Voir votre visage est la seule chose que je vous demanderais pour l'instant, Llyod.

Taliris attendit, se tenant droit, espérant qu'il montre son visage afin qu'elle soit sûre qu'il s'agisse de la bonne personne. Même si, intelligente comme elle l'était, la jeune fille savait déjà à l'avance ce qu'elle devait faire. Pour cela il fallait simplement qu'elle le voit.

Lui qui se sentait soulagé sentit son coeur sauter un battement lorsqu'il entendit la voix de Taliris. Il aurait pu jurer que sa rapidité lui serait d'une très grande utilité dans ce genre de cas mais finalement il avait tort. Comme sortie d'outre-tombe le son mélodieux sortant de la bouche de la jeune femme le tétanisa un instant, il se sentie ramener dans un temps fini, et tellement plus agréable.

Il ferma les yeux, tout comme ses poings, avant d'inspirer longuement et de pousser un soupir. Après autant de temps à vivre seul presque tout le temps, il remit son masque, le même qu'il avait l'habitude de porter lorsque sa vie semblait encore avoir un sens. Il avait rouvert ses yeux émeraudes, releva la tête, pour ensuite se poser au milieu de l'intersection.

Sa prestance était revenue, il en jetait le Corbeau, il le savait, il en usait. Il retira sa capuche pour que la demoiselle puisse admirer, de tout son saoul, le visage de Lloyd, comme elle l'avait demandé. Ses cheveux plaqués en arrière avaient poussé, un peu, ses iris brillaient toujours autant de malice, un sourire en coin, du genre moqueur, s'affichait sur son visage.

-Alors satisfaite?! Vous ai-je tant manqué que ça très chère? Ou est-ce que vous voulez seulement vous délecter de mon doux visage? Je ne pensais pas vous avoir fait autant d'effet les fois où nous nous sommes vu. Son sourire disparu, son regard se fit plus dur. Qu'avez-vous prévue ensuite maintenant que je suis à votre vue Taliris?

Un peu de distraction lui ferait du bien, même si cela n'était pas forcément très prudent de se montrer. Il avait besoin de penser à autre chose, rien qu'un moment.