Secrets

Cela ne faisait pas longtemps que je m'étais installé dans mes nouveaux quartiers. Une suite entière réservée à ma personne, c'était tout de même beaucoup et j'avais eu un peu de mal à m'organiser avec autant de place à ma disposition. Cela avait demandé un temps de réflexion, mais j'étais aujourd'hui satisfait du résultat. Le tout avait un côté à la fois spartiate et confortable, j'avais supprimé l'inutile mais tout ce qui s'y trouvait était d'une grande qualité et les tons, bien que sobres, restaient un minimum harmonieux. Bibliothèque dédiée à la sorcellerie et à la stratégie, salon agréable où prendre un thé, table de salle à manger actuellement garnie de plus de cartes stratégiques qu'autre chose - je recevais rarement des gens à dîner -, quelques meubles et une salle de bain des plus spacieuse...

Le temps de me laver et de me changer, j'étais parti pour ma nouvelle destination. J'avais une connaissance à aller voir, une jeune femme rencontrée quelques temps plus tôt et qui m'avait caché certains aspects de sa profession. Plus que d'être une simple membre de la garde royale, les habitués du palais m'avaient appris qu'elle était à sa tête, tout comme j'étais à la tête de celle de la princesse. Voilà qui donnait matière à discussion. Sans même parler des derniers événements.

Je me dirigeai donc vers la suite de Jehny - puisque c'était d'elle qu'il s'agissait -, guidé par les indications que m'avaient fournis quelques gardes du palais.

Arrivé devant la porte, je marquai un temps d'arrêt. Inutile. Je venais simplement la saluer, aucune raison d'être timide à ce sujet. Forçant mon esprit à évacuer ses doutes, je frappai trois fois et attendis une réponse.

Vérité

Surprise, elle l'était. Visiblement, elle ne se tenait pas autant au courant de ce qui se passait au palais que moi. Était-elle passée à côté des bruits de couloir concernant mon arrivée ? Ou peut-être n'avait-elle pas entendu mon nom prononcé lors de ces échanges qui rythmaient la vie ici. Peu importait. A sa première demande, je ne répondis qu'un simple « Oui, merci. » avant de joindre le geste à la parole.

« Je sais, trouver un moment dans nos emplois du temps respectifs pour venir te saluer n'est pas facile. Je prendrais volontiers du thé. »

Une fois installé, je me mis à réfléchir. Première constatation, mes fauteuils à moi étaient plus confortables. Seconde constatation, c'était plutôt bien rangé. Troisième constatation, il me fallait avancer dans ma réflexion sur un sujet plus important que ceux-là.

« A dire vrai, je ne suis pas venu te parler de mon projet. D'autres choses m'accaparent pour l'instant et je suis simplement venu prendre de tes nouvelles. »

Faire traîner les choses en longueur n'était habituellement pas dans ma nature, mais je trouvais la situation plutôt amusante et c'était, somme toute, bon enfant.

« Au passage, c'est une bien jolie chambre pour une humble garde du corps... »

Voilà qui devrait l'orienter sur la bonne voie pour me présenter les excuses qu'elle me devait. Après tout, c'était elle qui avait menti sur son statut réel, non ?
Arlan, le tourmenteur des jeunes femmes... J'en connais un qui rirait bien s'il pouvait me voir là, maintenant.

Thé

Le thé était bon. Et elle s'était excusée. Je me montrerais donc magnanime. Un peu.

« Bien sûr que je t'aurais crue. Les hommes deviennent stupides lorsqu'ils ont affaire à une jolie femme. »

Il était rare que je me montre aussi taquin. Enfin, je me sentais en sécurité ici. Cela faisait longtemps que je ne m'étais pas trouvé dans un endroit sûr avec une personne qui n'avait pas de mauvaises intentions à mon égard. C'était reposant. Je repris une gorgée de thé avant de répondre à son autre question, toujours sur un ton léger.

« Concernant la petite Theena, disons que je suis son humble garde du corps... »

Léger sourire de ma part. Je n'avais pu m'en empêcher. L'atmosphère avait été trop lourde, trop paniquée suite au couronnement sanglant et le besoin de respirer, de changer d'air était devenu nécessaire. Le regard perdu dans le vague, une gorgée de thé en plus, quelques mots presque murmurés.

« Je suis heureux que tu aies survécu... Tu es l'une des rares personnes agréables que je connaisse, ici. »

Elle comprendrait la référence aux événements survenus il y a quelque temps et qui causaient encore plus de soucis. Ces ilmydiens n'apportaient que le malheur. Vivement la conquête, que tout cela soit réglé une bonne fois pour toutes. Bien qu'Asmosa et son aberration magique soient un nouveau souci. Pourquoi le destin semblait s'amuser à jeter de nouveaux obstacles sur ma route alors que je n'en avais pas encore terminé avec les anciens ?

Faveur

Pas autant de dégâts de la part des algiz ? La présence de l'aberration mystique que j'avais ressentie y était-elle pour quelque chose ? Ce point méritait d'être creusé, mais cela attendrait. Il y avait plus pressant.

« C'est intéressant et absolument pesant à la fois. Je ne compte pas le faire toute ma vie, cela dit. Disons que ce n'est qu'une étape pour me rapprocher de mon objectif final. »

Mieux valait attendre encore un peu, je comptais user de cette information plus tard, elle aurait certainement un impact sur l'une de mes vieilles connaissances à Asmosa. Et je le savais trop bien informé pour ne pas l'apprendre si je la mentionnais ne serait-ce qu'une fois. Jehny semblait fiable, mais les murs avaient des oreilles et nous étions peut-être surveillés, d'une manière ou d'une autre. Le silence restait la meilleure manière de préserver ce secret qui n'en serait bientôt plus un.

« Elle a cependant engagé une personne que je considère indigne de confiance. Un prétendu chevalier. Évite-le comme la peste, il est dangereux. Ce qui m'amène a une petite faveur que j'aimerais te demander... »

Un sujet difficile. Je n'aimais pas demander de l'aide à autrui. La simple idée de ne pouvoir m'en sortir par mes propres moyens me répugnait. Cependant, je me devais d'accepter une vérité : je n'avais pas le don d'ubiquité.

« ... Même si ma fonction est temporaire, je me dois de l'accomplir au mieux. Et pour cela, je vais devoir me rendre à l'étranger. J'aimerais, si tu en as le temps, que tu gardes un œil sur la princesse lors de mes absences ou au moins que tu demandes à une personne de confiance de le faire. Je sais que tes fonctions te prennent du temps, mais cela me soulagerait de la savoir en de bonnes mains. »

J'avais contacté un vieil ami pour lui demander de l'aide à ce sujet, mais sa réponse ne m'étant pas encore parvenue - ma lettre ne l'avait certainement pas encore atteint -, il fallait prendre des précautions dans l'immédiat afin de ne pas me retrouver dans une situation gênante. Le décès de celle dont j'avais la garde mettrait ma réputation en miettes et je ne pouvais me le permettre. Pas pour moi, cela m'importait peu, en réalité. Mais pour Kireïde qui avait besoin du général compétent que j'étais seul à pouvoir incarner.

Échange

Assassiner le roi ? Non, ce n'était pas prévu à court ou à long terme. L'avoir en vie nous était plus profitable. Et c'est avec sérieux, pour la rassurer un peu, que je répondis à sa question aux allures de boutade.

« Je ne pense pas que ton protégé ait à s'en faire de ce côté. Elle a d'autres projets. »

Des projets que je considérais irréalisable, mais que mon devoir et ma curiosité me poussaient à tenter tout de même. On apprenait souvent tout un tas de choses utiles lorsqu'on était en chemin vers un but impossible. Quant au cas de notre chevalier.

« Je ne pense pas qu'un nom suffise pour le repérer, il se plait à changer d'identité. D'ordinaire, il a une chevelure sombre et fait entre un mètre soixante-dix et un mètre quatre-vingts, des yeux bleus et des traits fins. Il s'est déjà fait passer pour un ménestrel et semble avoir une certaine connaissance des poisons. Au cas où, tout de même, je pense qu'il se fait officiellement appeler "Azriel Kenkah", c'est en tout cas le nom qu'il a donné à la princesse. Voilà en ce qui le concerne. Je te contacterai lorsque j'aurai terminé de planifier les détails de mes voyages. »

Cela devrait suffire. Elle saurait au moins qu'il fallait s'en méfier et disposerait des informations de base pour le reconnaître. Il valait mieux passer à autre chose, désormais, que de l'ennuyer un peu plus avec mes inquiétudes. Veiller sur la vie de quelqu'un qui n'en faisait qu'à sa tête était une véritable corvée.

« Désolé de t'ennuyer avec mes soucis. Si je peux faire quoi que ce soit pour t'aider, n'hésite pas à m'en parler. »

C'était la moindre des choses. Lui demander cela avait déjà dépassé la limite, à mon sens, mais elle était la seule personne sur qui je pensais pouvoir compter.

Confiance

Elle n'avait pas vraiment tort, dans un sens. Je me sentais en confiance avec elle, tout simplement. D'après notre précédente rencontre, elle avait aussi à cœur le bien être des citoyens de Kireïde, ça devait jouer. Ça et d'autres choses.

« Qui sait, je suis peut-être déjà trop épris de toi pour réfléchir correctement en ta présence ? »

Tout cela me rappelait une réponse que je lui avais donnée lors de notre première rencontre. Comme cette fois, je fis donc en sorte de paraître le plus sérieux possible. Je laissai passer quelques secondes, espérant la voir s'empourprer une nouvelle fois, signe d'une victoire sans grande valeur, mais une victoire quand même.

Tout compte fait, il me semblait que j'avais vraiment tendance à faire n'importe quoi en sa présence...
Ne retenant plus mon sourire - décidément, je n'étais pas fait pour les longues plaisanteries -, je remis un autre de nos précédents sujets sur le tapis.

« Je dois me rendre à Asmosa sous peu, mais j'aimerais aussi passer à Sollvaec dans un futur plus ou moins proche. Ce sera essentiellement pour des recherches magiques, mais si tu veux être de la partie, tu es la bienvenue. C'est plus agréable de voyager en bonne compagnie. »

Mieux vaut être bien accompagné que seul, c'était une chose certaine. Et puis, avouons-le, avoir une aussi charmante jeune femme pour compagne de route avait quelque chose de plaisant également. Cela donnerait presque un air de vacances à mon travail. Et elle savait manier une lame assez efficacement pour diriger la garde royale, c'était plutôt sécurisant.

Flamme

Elle rougissait encore, c'était mignon. Cela dit, elle se rattrapait plutôt bien à ce niveau et parvenait à répliquer d'une manière plutôt habile. Puisqu'elle voulait poursuivre, autant ne pas m'arrêter non plus. C'était peut-être l'un de mes défauts, mais quel que soit le domaine, j'avais toujours un peu de mal à m'avouer vaincu.

« Comment pourrais-je avoir l'audace de plaisanter à ce sujet alors que même après un séjour à Ambrosia, c'est vers toi que se tournent mes pensées ? »

Bon, sur le plan technique, c'était plutôt vrai. Puis, les demoiselles de la cité légendaire avaient beau être charmantes, la plupart n'étaient que cela et manquaient vraiment de substance.

Tentons tout de même de rester sur les rails et de ne pas trop dévier de nos sujets premiers. Quels étaient-ils d'ailleurs ? Ah, oui, le voyage.

« Je suis heureux de te savoir intéressée... pour le voyage. Il ne serait pas bien sérieux de te déclarer ma flamme après deux courts rendez-vous. »

L'avoir avec moi serait rassurant. Elle était plutôt agréable à fréquenter et il semblait que nous soyons souvent sur la même longueur d'onde, ce qui rendrait ce long voyage plus agréable également. Quant aux sentiments, ce n'était pas mon sujet de prédilection. Certes, elle me plaisait, mais je la connaissais encore trop peu pour m'avancer à ce sujet. Il arriverait ce qui arriverait, inutile de s'inquiéter à ce sujet.

Promesse

Ambrosia avait-elle été à la hauteur de ses légendes ? Pas toutes. Pas celles que j'avais espérées, en tout cas.

« Ambrosia, c'est un peu comme une sorte de festival du printemps, où l'on donne une écharpe à la plus jolie fille du village, sauf qu'il n'y a que des gagnantes. Le problème est le même qu'avec les reines du printemps : la beauté ne fait pas tout. Quant au déplacement présumé de la cité, c'est une autre histoire. Je te raconterai tout cela lors de notre voyage, si tu veux. »

Ma patience était plutôt développée, oui. J'étais capable de guetter l'opportunité parfaite aussi longtemps qu'un prédateur guettait sa proie... avant de bondir dessus pour s'en emparer. Une chose qui aurait pu faire de moi un bon courtisan, mais je n'étais pas fait pour les intrigues et les dagues empoisonnées. Et, concernant mes projets :

« Ce n'est que le début... »

Je posai ma tasse, vide et me levai, faisant les cents pas dans la pièce. Réfléchissant à la manière de formuler les choses sans trop en dévoiler, sans paraître fou.

« Il y a tant à faire dans ce pays, tant de choses à améliorer, des choses pour lesquelles je n'ai pas encore le pouvoir... »

Certains me considéraient sûrement comme un arriviste, ambitieux au point de vouloir plus de pouvoir encore alors que j'occupais déjà une place de choix, mais c'était encore insuffisant. J'en avais besoin pour tenir ma promesse.

« Tu as déjà entendu parler de ces personnes qui passent à un cheveu de la mort et qui prétendent avoir vu quelque chose ? »

Autant prendre les choses par le début, ce serait sûrement bien plus simple. Quitte à être un illuminé, autant l'être de manière cohérente. Au moins, mes doutes prouvaient que je n'étais pas totalement dérangé. C'était déjà ça.

Destinée

Elle avait vu juste, sur certains points. Mieux valait reprendre les choses dans l'ordre et donner un peu de contexte, même si le simple fait d'avoir tenté le rite du scorpion à l'époque suffisait à me faire passer pour un fou, dans certains cercles.

« J'ai été lieutenant dans l'armée de Kireïde durant plusieurs années, chef d'une unité de patrouilleurs frontaliers. Des hommes du désert dont il fallait gagner le respect. A l'époque, j'ai accepté de suivre l'un de leurs rites de passage, qui comportait une étape où l'on absorbe une dose mortelle de venin de scorpion. »

Et je suis mort. Ou pas loin, en tout cas.

« Je suis mort et j'ai vu des choses. Pas Vaec, je ne suis pas croyant. J'ai vu l'âme de Kireïde... et nous avons passé un pacte. »

Ma vie contre mon dévouement plein et entier. Un contrat où je gagnais sur tous les plans, selon moi. Une promesse que je me devais d'honorer.
Changeant de ton pour quelque chose de plus léger, j'ajoutai :

« Mais bon, tout cela n'était peut-être qu'un délire lié à la fièvre. »

C'était une possibilité, la part rationnelle de mon esprit l'avait envisagée. Les chamans m'avaient informés que les rêves et autres délires étaient courants durant ce genre de rites, mais eux les voyaient comme des guides et des prophéties.

« Au fond, est-ce important ? Lorsqu'on s'engage à faire quelque chose, il faut tenir sa promesse. J'ai juré de sauver Kireïde et de la protéger, peu importe le prix. Alors, oui, j'ai encore de nombreux projets : réorganiser en profondeur notre armée, instaurer un service militaire obligatoire, me pencher sur le statut des Marqués, utiliser les ressources de l'armée au service du peuple, ... »

Il restait beaucoup à faire et j'avait besoin pour cela d'un titre plus grand, qui me donnerait le contrôle sur les ressources militaires du pays. Je n'aimais pas les titres, ils n'étaient que des mots, mais avec celui-là venait le pouvoir dont j'avais besoin pour tenir ma promesse.

Lumières

Ne pas me tuer à la tâche ? Au moins, elle n'avait pas l'air de me trouver complètement cinglé. Un bon point pour elle. Il fallait dire que je prenais les choses avec philosophie, sans réellement m'interroger sur les détails. Rencontre mystique ou délire, une promesse était une promesse. A quoi bon chercher la petite bête lorsque la nécessité était ailleurs ? A sa question sur les marqués, je poussai un soupir, le sujet n'était pas facile - il mettait en valeur des aspects de l'humanité qui n'étaient pas vraiment reluisants.

« Le souci avec les marqués, c'est qu'ils sont victimes de superstitions stupides. Lorsque j'étais à la frontière, j'en ai rencontré plusieurs, c'est une région propice à ce genre de chose... »

La proximité d'Ilmyde avait ce désagrément. Nous ne gagnions pas toujours, n'arrivions pas toujours à temps et des villages étaient victimes des assauts des hommes-bêtes. Avec les conséquences et débordements qu'entraînaient les assauts d'une troupe sans discipline sur des civils quasiment sans défense.

« La plupart d'entre eux traînent déjà un lourd passé derrière eux, les accabler plus pour des choses dont ils sont victimes et non responsables est simplement répugnant. Et lorsqu'on sait que les ilmydiens les rejettent, il est carrément stupide de ne pas vouloir s'en faire des alliés. »

Une nation en guerre doit mettre en pratique l'adage "les ennemis de mes ennemis sont mes amis". Les traiter en ennemis dénote un manque de perspective qui dépasse l'entendement.

« Lorsque j'en aurai le pouvoir, je trouverai un moyen de leur donner une légitimité. J'aimerais qu'il soit simplement possible de faire passer une loi leur accordant les mêmes droits que les humains - quelle différence physique entre un marqué et un humain avec une tache de naissance, au final ? -, mais je crains que cela ne fonctionne pas parfaitement. Il faut leur rendre grâce aux yeux du peuple et changer leur image. Venir à bout des superstitions et faire des héros de ceux qui furent des parias. »

Et Kireïde aime les héros qui se couvrent de gloire au combat. La citoyenneté et l'égalité en échange d'un service de quelques années dans l'armée pourrait régler deux problèmes à la fois. Nous donner plus de soldats compétents, leur donner une légitimité et, accessoirement, la capacité de se défendre correctement si certains en venaient à ressortir les vieilles rancœurs. C'est dans le sang que se créent les fraternités les plus durables, après tout. Quel soldat qui a combattu aux côtés d'un marqué, lui a sauvé la vie autant de fois que lui la sienne, peut encore mépriser ses semblables ?

Hum. Je m'emballe un peu sur les grands projets, là. Revenons à la réalité.

« Désolé. Comme je l'ai dit plus tôt, je ne suis pas croyant et les superstitions nuisibles dans ce genre me sidèrent... Peut-être que je ne suis pas assez fanatique ou que je ne vois le conflit avec Ilmyde que comme un conflit entre nations et pas entre espèces. »

Un conflit entre nations qui ne verra sa fin que par la domination totale de l'une sur l'autre. Le pardon envers les ilmydiens est impossible, ils sont allés trop loin.

Hippopotame Éthique

Oh, j'avais droit à un compliment. C'était apprécié, bien que je fusse trop préoccupé pour perdre mon temps à le montrer. Elle semblait plutôt affectée. Et je ne tardai pas à comprendre pourquoi. Même si sa phrase était formulée de manière à ne pas être trop engageante. Les vibrations que je ressentais à travers le sol me communiquaient sa nervosité.

« Est-ce le fait d'être si proche de moi qui te rend aussi tendue ? »

Le petit mot pour détendre l'atmosphère, justement, ponctué d'un clin d’œil malicieux. Mais revenons à la question posée plus tôt. N'avait-elle pas déjà obtenue sa réponse ?

En admettant qu'elle soit une marquée, cela ne faisait que me donner une raison de plus de m'inquiéter pour sa sécurité. Au moins semblait-elle habile avec une lame, c'était rassurant.

« Admettons donc que tu aies une marque. En dehors d'attiser ma curiosité concernant ses hypothétiques aspect et emplacement, cela ne change rien. »

Pas pour moi, en tout cas, mais qu'en était-il pour elle ? Victime d'une l'oppression menée par les imbéciles et les superstitieux. Elle devait porter peine et ressentiment dans son cœur. Comment le vivait-elle ?

« Pour toi, par contre, ça ne doit pas être facile tous les jours. Hypothétiquement, bien sûr... »

Formes

L’omoplate ? Il y avait effectivement pire comme localisation, même si ce devait être ennuyeux de ne pas pouvoir porter de tenues trop légères lorsqu'il faisait chaud. Et Kireïde n'était pas réputée pour la fraîcheur de son climat. Cela dit, il était dommage qu'elle ne veille pas se dévoiler. Les formes de marques auraient pu faire un intéressant sujet d'étude, pour ma seconde ou troisième vie, si j'ai le temps, peut-être... Seulement des marques ? Hum, sans commentaire.

« Tant de pudeur, quel dommage. Je suis persuadé que, le cas échéant, j'aurais beaucoup aimé la voir... »

Polisson que je suis. Elle était retournée s'asseoir et je l'écoutais parler un peu, sans trop bouger avant de me décider à aller m'installer au sol, le dos contre l'un des montants de son fauteuil. Au moins, comme ça, elle pouvait se sentir plus grande que moi pour un petit moment.

« Tu ne devrais pas avoir à te cacher. Aucun marqué ne le devrait. Si quelqu'un te pose des soucis à ce sujet ou un autre, tu peux compter sur moi. »

Je fermai les yeux un moment. J'étais bien, installé à même le sol, plus proche de la terre. Ou de la pierre dont était fait le palais. Ce qui revenait au même. Je n'aimais pas trop les navires à cause de ça. Trop loin de mon élément, trop vulnérable.

« Il y a encore tant de chemin à parcourir. Heureusement, le voyage est plutôt intéressant. N'est-ce pas ? »

Passeport

S'il n'y avait rien de déplacé, cela perdait un peu de son charme. Mais trêve de pensées indécentes, je n'étais plus un adolescent en proie à ses hormones. Concernant les projets des marqués, il y avait, à la réflexion, une chose qu'elle pouvait faire pour m'aider.

« Au fait, si tu es en contact avec d'autres marqués, pousse-les à employer la voie légale pour régler leur problèmes. Quitte à jouer de ton influence ou faire appel à moi si les autorités sont réticentes. »

Le projet devait redorer leur blason dans l'esprit de leurs contemporains et il valait mieux partir sur de bonnes bases.

« Les voyages sont une source d'expérience. C'est sur le terrain qu'on apprend le plus. Et c'est un mage qui te le dit. »

Je brisai l'archétype du mage cloître dans sa tour, à lire ses grimoires poussiéreux et à mener ses expériences. Enfin, j'avais toujours plus été un soldat utilisant la magie qu'autre chose, même si je ne dédaignais pas l'explorations des bibliothèques et les ouvrages intéressants. J'avais appris autant, si pas plus, sur le terrain qu'à l'académie.

« Je me demande parfois s'il existe d'autres continents par-delà l'océan, des îles mystérieuses ou des êtres incompréhensibles. Peut-être en savent-ils plus sur les monstres que nous. Ou pratiquent-ils des magies inconnues...  »

On pouvait tout imaginer, malheureusement, les rêveries ne feraient pas avancer les choses chez nous. Une fois que la situation serait stabilisée et consolidée ici, peut-être que nous pourrions nous lancer dans l'exploration.